Proposé à des consultants ou à des cadres dirigeants, ce diplôme – notamment développé à l’étranger par des universités ou des écoles privées sous le nom d’executive doctorate in business administration (EDBA) – consiste à effectuer une recherche appliquée à son contexte professionnel après avoir suivi des cours de méthodologie, et tout en poursuivant son activité.
Etudiants et enseignants-chercheurs redoutent une dévalorisation de ce parcours de recherche d’au moins trois ans auquel ces « thésards » se sont eux-mêmes astreints, de la réputation de leur diplôme, et une sélection par l’argent. Le projet de Sciences Po de créer un nouveau diplôme d’établissement en deux ans, un doctorat professionnel dans le cadre de la formation continue, a ainsi déclenché un tollé.
L’avertissement a été entendu. Sciences Po indique qu’il « n’a pas de projet de créer un doctorat professionnel ». « Ce n’est plus du tout à l’ordre du jour mais nous restons vigilants », précise Enora Naour, élue étudiante au conseil de direction. Car cette piste était envisagée dans le plan stratégique Sciences Po 2022, présenté en mai 2014.
La Commission permanente du conseil national des universités (CPCNU) avait aussi mis en garde, dans un communiqué en février, contre la multiplication de ces « diplômes d’université d’un nouveau genre, présentés comme “doctorats” sous des dénominations diverses (qui) répondent principalement aux attentes professionnelles des cadres supérieurs économiques et administratifs qui souhaitent obtenir rapidement un “PhD” pour accroître la valeur marchande de leur CV sur des marchés professionnels internationaux ou sur des postes dans des entreprises qui recrutent désormais dans le cadre d’une compétition internationale ».
Relevant des tarifs d’inscription « particulièrement élevés », la CPCNU s’inquiétait du risque « d’inciter les établissements à multiplier les offres de “doctorat” au rabais scientifique, dans le but de répondre à des contraintes financières croissantes ».
A Dauphine, la neuvième promotion d’EBDA (18 places à Paris) est en cours. Coût : 29 000 euros. Des antennes ont été créées à Pékin, Shanghaï et Beyrouth avec des effectifs comparables. A l’automne, Dauphine prévoit d’ouvrir une seconde filière : un doctorat exécutif en affaires publiques. « Pour nous, ce n’est pas une manne financière : nous n’avons pas du tout de subventions. Ce ne sont pas des diplômes plus lucratifs que les autres diplômes de formation continue », défend Lionel Garreau.
Les universités sont sollicitées par des entreprises, des grands corps ou des professions qui souhaiteraient aider leurs membres à afficher la mention « doctor » sur leurs cartes de visite. La commission de recherche (CR) de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne a adopté, en décembre 2013, un « cadre de partenariat visant à l’accès au doctorat par la formation continue ». Le but : garder aux écoles doctorales la maîtrise de la qualité du recrutement, du mode d’évaluation ou de la composition des jurys de soutenance, et ne délivrer que de vrais « doctorats ». Depuis, Paris-I s’est engagée dans des conventions avec le notariat et l’INP (Institut national du patrimoine). « Le texte-cadre est très important à faire valoir et nous, élus de la CR, l’avons déjà utilisé », témoigne Julie Gervais, maîtresse de conférences en science politique et élue à la commission de la recherche. Notamment pour limiter le nombre de non-universitaires dans des jurys de thèse. « Le problème n’est pas la création de nouveaux diplômes mais il ne faut pas jouer sur l’ambiguïté du nom doctorat », appuie Olivier Nay, président de la section science politique du Conseil national des universités (CNU).
Les lignes seront-elles clarifiées ? L’arrêté ministériel qui définit les écoles doctorales et le doctorat est en cours d’actualisation. Une large concertation des différents acteurs est en cours. Le ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche attend donc avant de commenter ce sujet délicat.
Source: lemonde.fr
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